Assureurs : mais où va tout votre pognon ?

18 11 2019
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Mon cher lecteur,
 
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle et les assureurs aussi. 
 
J’aurais dû appeler cette lettre automne sanglant ou octobre rouge.
 
C’est la sauce auxquels les assureurs se font manger ces derniers temps en victimes consentantes, comme vous allez voir.
 
  • Generali panique et annonce dans une grande opération avec Les Échos qu’ils ne veulent même plus servir du 1,5% à ses fonds euros (contre 1,8% en moyenne en 2018), même pas l’inflation.

 

  • Suravenir, l’assureur du Crédit Mutuel-Arkéa a été recapitalisé à hauteur de 500 millions d’euros.

 

  • AG2R La Mondiale a besoin d’autant d’argent mais choisit d’émettre une obligation subordonnée (assimilée à des fonds propres : s’ils vont mal, vous allez mal).

 

  • Et voilà maintenant que Sogecap, la filiale de la Société Générale annonce avoir également besoin d’une augmentation de capital.
Alors ça y est c’est l’grand soir de notre pognon ?
 
Non.
 
Rassurez-vous, vous serez prévenus du grand soir dès le lendemain. Promis.
 
De toute manière contre celui-là, il n’y a guère que l’or et les coudes collés-serrés avec ses proches et cela ne se prépare pas au dernier moment. À bon entendeur.
 
Pourtant, les assureurs qui affichaient une santé insolente jusqu’ à l’été semblent tout d’un coup pris d’un coup de chaud à cause des taux négatifs.
 
Cet été le ratio de solvabilité de Sogecap était encore de 160%, 170% pour Suravenir et même 185% pour AG2R.
 
Le minimum légal est de 100%, il n’y a pas le feu au lac ( au fait connaissez-vous l’origine de cette expression ? Réponse à la fin de la lettre).
 
Mais la moyenne des assureurs vie s’élève à 225%la situation de nos 3 moutons noirs en quête de capital est donc bonne mais pas top.
 
C’est Suravenir qui a ouvert le bal avec une recapitalisation de 540 millions d’euros en octobre. Pour des fonds propres de 2,5 milliards, il faut avouer que c’est un gros morceau.
 
La presse financière a largement fait des gorges chaudes de cette première recapitalisation depuis la crise de 2008 en oubliant généralement que Suravenir avait fait un chèque extraordinaire du même montant, l’année dernière à son actionnaire le Crédit-Mutuel Arkéa! L’opération est donc blanche.
 
Cette opération est indissociable du projet d’indépendance d’Arkéa du Crédit Mutuel. L’histoire est simple : les dirigeants d’Arkéa ont décidé de prendre leur indépendance du Crédit Mutuel, opération mal vue par la BCE et Bruxelles, sans parler du Crédit Mutuel bien entendu. Ils ont donc voulu jouer les gros bras en affichant le meilleur ratio de solvabilité des grosses banques françaises. 
 
Ils ont tenté un coup de poker : ils ont déshabillé l’assureur pour embellir la banque. Le bluff a raté, la conjoncture s’est dégradée, après l’aller, ils font le retour… 
 
Pas grand chose à signaler si ce n’est que la BCE a imposé un handicap à peine croyable à Arkéa, en exigeant de la banque 2% de fonds propres supplémentaires alors que même sans l’argent de Suravenir, Arkéa a une solvabilité bien supérieure à nos grosses banques mal en point : 17,5% avant la recapitalisation et environ 16% après (quand la BNP arrive péniblement à 12%).
 
Le véritable scandale, ce n’est pas la recapitalisation de Suravenir, c’est l’ingérence de la BCE.
 
Il est hallucinant que la BCE se permette de faire capoter ce projet en augmentant arbitrairement ses exigences de fonds propres uniquement pour Arkéa. C’est de la gestion à la tête du client et un précédent particulièrement inquiétant.
 
Quant à AG2R, l’obligation émise a atteint un record de taux, à la baisse, et un record de souscription, à la hausse. L’obligation a été plus de 10 fois souscrite en à peine 3h pour un taux jamais aussi bas pour ce type d’obligation à 4,375%… Nous sommes TRÈS loin de la curée.
 
Enfin, à la Société Générale, il est encore difficile de discerner la raison de cette recapitalisation, mais un coup d’œil aux comptes de 2018 est éloquent.
 
L’année 2018 a été catastrophique en bourse et Sogecap a enregistré 700 millions de pertes en actions.
 
En parallèle, les rendements des obligations ont fondu de 1,8 milliards par rapport à 2017 (passant de 8,2 à 6,4Mds€).
 
Après ce choc de 2018, la filiale de la SG a pu souffler en rattrapant plus que ses pertes sur les actions mais cela s’est fait au prix démesuré des taux négatifs : les deux sont entièrement liés, les gains d’un côté sont les pertes de l’autre et comme les 3/4 des assurances vie sont encore en fonds euros, l’essentiel des portefeuilles est constitué d’obligataire à faible rendement.
 
C’est le prix d’une fausse relance entièrement soufflée par de la dette qui atteint des montants inimaginables. Les assureurs sont le dindon de la farce.
 
Mais ils sont dindons CONSENTANTS.
 
Aujourd’hui un assureur comme Suravenir prélève 1/3 des résultats financiers de ses fonds pour son fonctionnement et ses impôts. C’est beaucoup trop élevé et cela ne leur suffit pas. 
 
Ils cherchent encore à vous flêcher vers les fonds en unités de comptes où VOUS prenez Les risques et EUX Les commissions et pour vous y inciter ils utilisent leurs réserves pour sur-rémunérer le risque.
 
Les assureurs ont constitué des réserves très importantes depuis une dizaine d’années. C’est-à-dire qu’ils ont prélevé une partie de VOTRE rendement, officiellement en prévision des vaches maigres. C’est ce que l’on appelle la Réserve de Participation aux Bénéfices. La loi impose de reverser ces réserves sous 8 ans et elle se montait fin 2017 à 3,56% des encours selon le site goodvalueformoney.eu… Soit 0,45% de rendement à rendre chaque année pendant 8 ans et elles continuent d’augmenter : les réserves sont pleinement constituées, le grenier est plein !
 
Mais comme d’habitude, cette loi produit les effets inverses qu’elle recherche, il fallait  mitiger le risque mais par un détournement vicieux, c’est l’inverse qui se passe et ces réserves sont devenues une arme commerciale massive :
 
Car il y a un loup, la loi ne dit pas À QUI cette provision considérable doit être reversée et les assureurs en profitent pour reverser ces sommes aux nouveaux souscripteurs ou à ceux qui prennent plus de risques ( et paient plus de commissions). Ces pratiques sont en train de se généraliser et biaisent complètement l’analyse risque/rendement pour les particuliers que nous sommes. C’est criminel.
 
Plutôt que de sonner l’hallali sur nos fonds euros, nos assureurs feraient mieux de faire preuve d’un minimum de déontologie et de commencer par éviter de nous dépouiller de nos rendements.
 
Ce n’est pas la solvabilité des assureurs le plus gros problème, c’est ce qu’ils font de nos épargnes : ils nous auront transféré le risque bien avant d’y succomber eux-mêmes.
 
Là est le vrai crime.
 
Face à cette prise d’otage, il faut absolument résister. Si vous avez des contrats anciens à taux garantis, ceux que l’on appelle « millésimés » conservez-les, ils sont précieux.
 
Pour les contrats récents qui rappporteront bientôt autant qu’un compte courant, c’est-à-dire ZÉRO, vous savez ma position, diversifiez, oui, mais pas en unités de compte.
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
PS : Le feu au lac est une expression suisse, mais cela n’a rien à voir avec l’accent ou une prétendue lenteur proverbiale. C’est le moment où le soleil couchant se reflète dans les eaux du Léman qui prend alors une couleur rouge feu, juste avant la nuit.
 
Lorsqu’il y a le feu au lac, cela signifie que la nuit est là qu’il fera noir incessament… avant l’éclairage public, cela signifiait qu’il fallait se dépêcher de rentrer chez soi pour éviter de se faire prendre par l’obscurité. La nuit ne tombe pas encore sur les marchés mais quand il y aura le feu au lac, il sera déjà trop tard, c’est avant qu’il convient de se préparer

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